Des rituels funéraires bouleversés
Comment les salons funéraires de la région gèrent-ils la pandémie?
La crise sanitaire est venue chambouler tous les secteurs et aspects de la société, et ce même la mort. Les centres funéraires du Suroît ont vu une hausse des décès, mais ils restent unanimes, ce n’est pas comme à Montréal.
« Au printemps, quand il y avait la vague de décès, sur 100, il y en avait 90 à Montréal, donc quand on dit qu’il en reste dix pour le restant de la province, l’impact en région n’est pas comme à Montréal, mais oui il y a quand même une certaine augmentation », explique Jean-Michel Montpetit du Centre funéraire E. Montpetit et Fils. Ce dernier observe une hausse approximative de 10%.
Même son de cloche pour Alexandre Larin du salon J.A. Larin à Valleyfield. « On a été un peu plus épargnés, c’est sûr que plus on se rapproche des grands centres, plus il y a eu [de décès]. Plus dans Valleyfield que dans Soulanges, mais ça a été pire au printemps. Au début de l’automne, on a été occupé, mais là ça se stabilise », observe-t-il.
Pour la Maison funéraire Roussin, une augmentation de 60 décès a pu être observée en lien avec la COVID-19. La propriétaire, Annie Dubé, indique qu’il s’agit surtout de personnes âgées et qu’il y a parmi celles-ci les victimes du délestage qui aurait pu être prises en main plus tôt. « On est en train de perdre notre histoire et d’une façon abrupte », témoigne-t-elle.
La crise sanitaire est venue augmenter le nombre de décès, mais elle a surtout bouleversé les rituels entourant les défunts selon M. Montpetit. « Toute proportion gardée, dans une année il y a 35 000 décès par années environ, si on compare les décès naturels aux décès COVID, il y a beaucoup plus de monde qui subissent les conséquences, mais qui ne sont pas décédés de la maladie. Les conséquences de tout ça sont applicables pour tout le monde », déplore-t-il.
La mort en attente
Alors que les salons funéraires peuvent accueillir une capacité maximale de 25 personnes, peu importe la grandeur de l’emplacement, les rituels ont drastiquement changé depuis un an. « Ce qui est particulier aussi, c’est qu’il y a beaucoup de services en attente, parce qu’il y en a qui espèrent encore faire le service comme d’habitude en recevant beaucoup de gens et faire un buffet par la suite. J’en ai depuis le mois de mars qui sont décédés et qu’on n’a pas encore fait de service », explique Alexandre Larin. Les cas qui sont en attente ont été incinérés ou bien déjà enterrés, et une cérémonie commémorative sera réalisée ultérieurement.
Les rituels funéraires avaient repris pendant la saison estivale alors que les mesures sanitaires étaient plus souples, mais depuis le dernier confinement, la liste recommence. Malgré les restrictions sur le plan de la capacité, les salons offrent en complément des obsèques virtuelles pour les gens qui ne peuvent se déplacer, mais cela ne remplace pas le soutien qui peut être apporté en personne selon M. Larin. « On est là pour accompagner les gens dans des moments difficiles, et ce n’est rien pour les rendre plus simples », témoigne-t-il.
Pour Mme Dubé, les conditions sanitaires rendent son métier plus ardu. « On est dans une espèce d’aquarium, les gens ne voient pas notre personnalité. C’est difficile, il y a un contact qui ne se fait pas, ne serait-ce que toucher l’épaule d’une dame, et souvent les clients qu’on rencontre ce sont des personnes âgées elles-mêmes », souligne-t-elle.
Des changements jusque dans les laboratoires
La COVID-19 s’est immiscée jusque dans les procédés d'embaumement des corps. « J’ai des gens qui ont été inhumés quand même, malgré qu’ils ont la COVID, mais avec un cercueil fermé et scellé. On n’a pas le droit actuellement d’embaumer une personne qui a la COVID, donc on ne peut pas avoir un cercueil ouvert. On est la seule province où on n’a pas le droit d’embaumer un cas de COVID », précise M. Larin.
Considérant les modes de transmission de la COVID-19, les personnes décédées du coronavirus ne peuvent être exposées à l’air libre. Les thanatopracteurs peuvent malgré tout présenter un corps à distance aux proches du défunt. « Étrangement, on a le droit de nettoyer la dépouille et de les identifier sans embaumement. On peut quand même présenter le corps aux gens qui voudraient le voir, mais la loi c’est 24 heures suivant le décès, donc comme les hôpitaux sont surchargés, souvent on n’a pas la dépouille à temps pour le faire », explique Mme Dubé.
En terminant, Annie Dubé ajoute qu’elle a dû engager un gardien de sécurité de plus pour s’assurer que les contacts ne soient pas trop rapprochés, ce qui est extrêmement pénible lorsqu’une personne vit un deuil. Cette dernière s’attend que lorsque cette crise sanitaire sera terminée, une crise de deuils mal résolus finisse par émerger.
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