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Les industries peuvent réduire leur facture carbone grâce aux crédits compensatoires

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8 juin 2022
La Presse Canadienne, 2022
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Par La Presse Canadienne, 2022

OTTAWA — Le premier système fédéral de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre a été officiellement lancé mercredi, ce qui constitue la dernière pièce du casse-tête dans la tarification du carbone pour les grandes industries.

Cette annonce a toutefois été reçue sans enthousiasme par les militants écologistes pour qui tout cela n'est qu'un moyen de permettre aux industries de continuer de polluer à faible coût.

En bref, le système de crédits compensatoires permet aux paliers de gouvernement, aux entreprises et autres organisations qui produisent des gaz à effet de serre de payer pour ces émissions à travers l'achat de crédits obtenus lorsque des émissions de GES sont réduites ailleurs.

Des marchés du carbone volontaires existent depuis des années alors que des entreprises privées amassent du capital pour financer des projets de réduction des GES comme des parcs d'éoliennes ou la plantation d'arbres. Ils peuvent ensuite vendre ces crédits à des acheteurs cherchant à réduire leur propre empreinte carbone.

Les marchés réglementés sont nouveaux et permettent aux entités qui payent des tarifs sur le carbone à réduire l'ampleur de leur facture en achetant des crédits. Ces crédits sont pratiquement toujours vendus à un prix inférieur que celui du carbone. En moyenne, l'écart varie de 10 à 20 % sur les marchés réglementés déjà actifs.

La Colombie-Britannique, le Québec et l'Alberta disposent déjà de systèmes d'échanges de crédits carbone, mais aucune structure fédérale n'existait jusqu'ici.

Le ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault, a déclaré mercredi que ce système fédéral représente un élément essentiel pour permettre au Canada d'atteindre ses cibles de réduction des GES pour 2030 et de zéro émission pour 2050.

Ce nouveau système cible les grands émetteurs industriels qui payent la tarification fédérale, mais toute entité au Canada peut procéder à l'achat de crédits compensatoires. Les entreprises sont cependant limitées à un maximum de crédits compensatoires équivalent à environ 75 % de leurs émissions de GES.

Pour le moment, seules les municipalités qui procèdent à l'installation de systèmes de captation du méthane dans leurs sites d'enfouissement pourront générer des crédits compensatoires. Au cours de la prochaine année, le gouvernement a l'intention d'élaborer quatre autres protocoles de crédits compensatoires pour des activités de réfrigération avancée, d'agriculture et de gestion des forêts.

Le gouvernement dit aussi plancher dès maintenant sur de prochains protocoles pour le captage du carbone dans l'air et sa séquestration permanente dans le sol.

Un crédit sera créé pour chaque tonne de GES éliminée par l'entremise d'un projet approuvé. Avant d'être accordé, un crédit fera l'objet d'un audit afin de s'assurer que la réduction de GES n'est pas liée à une exigence prévue par la loi. La réduction de GES doit également être permanente. Chacune de ces réductions sera consignée dans un registre public.

Louise Comeau, directrice climat et énergie au Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, relève que les grandes industries canadiennes n'ont déjà que bien peu de contraintes pour les forcer à réduire leurs émissions de GES.

Elle rappelle que les grands émetteurs visés par la tarification sur le carbone ne payent la taxe de 50 $ la tonne que sur 5 % à 20 % de leurs émissions. Pour Louise Comeau, réduire cette facture en leur permettant d'acheter des crédits à moindre coût ne fera qu'affaiblir l'incitatif financier visant à les amener à réduire leurs émissions.

«Toute cette affaire est ridicule», a-t-elle tranché.

Par ailleurs, insiste Mme Comeau, les réductions de GES dans les sites d'enfouissement, les entreprises agricoles et les forêts doivent être faites en surplus des réductions des grandes entreprises et non en substitution.

«Ce n'est pas un cas de l'un ou l'autre», plaide-t-elle.

Du côté de Shane Moffatt, de Greenpeace Canada, il s'agit carrément d'un immense recul.

«Ça ne nous mène nulle part», dénonce-t-il.

Mia Rabson, La Presse Canadienne